Lorsqu’elle a annoncé sa retraite, il y a quelques semaines, Serena Williams a lancé ce cri du cœur : « Si j’étais un homme, je ne prendrais pas ma retraite! ». Souhaitant avoir un deuxième enfant, la grande dame du tennis a expliqué qu’il était devenu difficile pour elle de conjuguer sa carrière dans le tennis professionnel et son désir d’être une mère épanouie.
Sa décision et sa sortie médiatique m’ont fait réfléchir. D’autant plus que je venais d’être invitée à participer à un panel de la Chambre de commerce et d’industrie française au Canada portant sur le leadership au féminin.
Je me suis demandé si être une femme avait eu un impact sur ma carrière d’entrepreneure, ou vice-versa. Pour ce qui est d’être mère, la réponse fut non. La vie a fait en sorte que j’étais déjà belle-mère de deux enfants lorsque j’ai eu mon fils en 2003, et c’est seulement deux ans plus tard que je me suis lancée en affaires. Je n’ai donc pas eu besoin de gérer une entreprise pendant un « congé » de maternité. Cependant, je me suis toujours demandé comment j’aurais abordé un tel défi! Assurément, travailler pendant les six premiers mois suivant l’accouchement aurait été très difficile. Je dormais littéralement debout et j’avais encore du mal à comprendre ce qu’il se passait.
Serena Williams a ainsi eu le mérite de rappeler au grand public que les femmes font face à une réalité différente de celles de leurs collègues masculins sur le plan de la maternité, ne serait-ce que par le fait de porter l’enfant pendant des mois et ensuite l’allaiter, sans parler de la récupération physique qui peut s’échelonner sur plusieurs autres mois.
Eh bien, j’ai une autre nouvelle pour Serena Williams qui se consacrera désormais à son rôle de mère, mais également à son entreprise : les femmes d’affaires peuvent aussi être passablement perturbées au moment de la préménopause, comme toutes les femmes!
Véronique Cloutier nous a éclairés sur ce point en 2021. J’ai écouté avec intérêt son documentaire Loto-Méno, qui m’a permis de comprendre, enfin, l’origine des symptômes que je ressentais depuis quelques années : pertes de mémoire, problèmes de concentration, envie soudaine de dormir (à n’importe quelle heure de la journée), fluctuation des humeurs, anxiété (alors que tout va bien!), nuits de sommeil perturbées, etc. Combien de fois ai-je eu envie de « sortir de mon corps »?…
Vous me direz : « Tu ne t’en doutais pas? Tu approchais de la cinquantaine quand même! » Ben non!
Pour moi, ma compréhension de la ménopause,
c’était principalement de subir des sueurs nocturnes!
Ce sujet n’était pas vraiment abordé en famille ou entre amies. J’ai donc eu un grand moment de révélation grâce au documentaire Loto-Méno et j’ai pris rendez-vous avec mon médecin dans les semaines suivant sa diffusion.
J’ai ressenti un effet positif assez important après quelques semaines d’hormonothérapie. Ce fut un énorme soulagement : j’avais enfin l’impression que je me retrouvais, comme avant. Depuis, j’ai dû faire quelques ajustements au dosage et j’ai encore quelques difficultés à renouer avec la sensation de bien-être total. C’est un exercice de peaufinage.
Pendant ce temps, la vie et les affaires continuent. Il y a même une pandémie! Tout pour atténuer les symptômes de préménopause d’une présidente d’entreprise, n’est-ce pas ?? Car même si certaines nuits de sommeil sont courtes et que je ne me sens pas toujours au meilleur de mes capacités, physiquement et psychologiquement, j’ai une équipe à guider et des clients à servir. Des collègues et des clients qui ont eux-mêmes leur lot de défis, surtout pendant ces deux années de pandémie.
Alors comment je fais pour gérer tout ça? Avec une GRANDE dose d’indulgence envers moi-même. Quand mon corps et/ou ma tête ne veulent plus suivre, je prends une pause. Et la pause peut durer un après-midi complet au besoin! Je réponds aux appels et aux questions urgentes, mais je ne tente pas d’être en mode « production ». Je préfère me reposer, retrouver ma productivité et reprendre le travail dans de meilleures dispositions le lendemain ou durant le week-end.
C’est l’avantage d’être « boss » : je peux gérer mon temps comme je le veux. Mais c’est aussi de cette façon que je guide mes collègues depuis toujours : lorsqu’ils ou elles ne peuvent compléter une tâche sur les heures de travail pour des raisons personnelles, quelles qu’elles soient, je leur fais confiance; ils la complèteront lorsqu’ils le pourront. J’ai toujours eu du mal à appliquer ce principe à moi-même auparavant, mais là, je n’ai plus le choix et j’apprécie à mon tour cette flexibilité! Et je ne suis aucunement gênée de le dire ouvertement à mes collègues! Je ne me cache pas. Pourquoi tenter de faire semblant qu’un processus normal de la vie n’existe pas? Je préfère qu’ils comprennent que leur patronne est en préménopause et que parfois, elle n’est pas en forme.
Être en préménopause, quel que soit le métier qu’on occupe, peut donc présenter des défis dont nos collègues masculins n’auront jamais à se préoccuper, bien que l’andropause des hommes n’est pas une partie de plaisir non plus. Ce phénomène naturel est plus intense chez les femmes, c’est bien vrai, mais c’est la vie. C’est souvent très frustrant à vivre, alors toutes les formes de soulagement sont bienvenues! Aujourd’hui, je trouvais important d’en parler ouvertement afin d’encourager les échanges. Et peut-être même échanger quelques trucs!
Marie-Françoise Hervieu, présidente fondatrice